Il y a un phénomène qui m’a bien sûr aidé, sinon poussé, à oser et entreprendre enfin mon voyage israélien. Étrangement, il s’agit des réseaux sociaux et plus particulièrement Twitter et ses Spaces. Ces espaces offrent à des avatars la possibilité de dialoguer ensemble. Bien sûr, cette liberté d’expression, virtuelle et anonyme, a un côté « obscure », avec notamment la libération de la parole de la haine, de la violence et de l’antisémitisme. Il ne faut pas l’oublier. Mais à côté de cela, ces espaces offrent une opportunité inestimable pour la paix et ses partisans; une nouvelle manière de dialoguer entre des personnes qui ne se parlaient jamais.
Depuis quelques semaines donc, j’ai eu l’occasion de rentrer dans ces Spaces et d’assister à des scènes que je ne pouvais même pas imaginer un an auparavant. Des Israéliens et des Arabes (Saoudiens, Émiratis, Irakiens) sont dans la même « pièce ». Ils s’écoutent et se parlent. Ils sont rarement d’accord, certes. Ils se disputent même souvent; certains vont jusqu’à l’insulte. Mais ils sont là, ensemble, à distance, ils s’adressent la parole. ENFIN.
Là où des délégations officielles et des gouvernements refusent de le faire, sinon dans les coulisses, à l’abri des regards, des avatars anonymes le réussissent brillamment.
Mieux. De là d’où je viens. En tant que Français d’origine syrienne, j’ai même assisté à l’inimaginable : des Syriens discutent avec leurs ennemi jurés et légendaires, les Israéliens. Comment ? Ceux qui étaient biberonnés à la haine de cette « Entité sioniste » depuis leur naissance pouvaient enfin « donner le droit » à cet ennemi d’exister. Lui donner le droit de « leur adresser la parole ». C’était pour moi, pour le moins, déconcertant et insolite. Un ennemi déteint en « diable », ou en « la pire créature » a enfin le statut d’un « être » qui existe et avec qui on pouvait enfin parler.
Parce que parler à quelqu’un, c’est déjà lui donner une légitimité d’être. Et ça, ce n’est pas une mince affaire… Même si le chemin reste encore long. Car à l’heure où j’écris ces lignes, il ne faut imaginer un grand nombre, de ceux qui osent franchir le pas, mais c’est tellement inattendu que l’on ne peut que s’en féliciter.
Que les avatars, Arabes, Israéliens et Syriens, continuent de dialoguer ensemble pour la paix. Parce derrière chaque pseudonyme, il y a un véritable être humain. Un homme ou une femme qui, pour l’instant restent dans l’ombre, mais qu’au final, ils termineront par sortir du bois…