Hier, j’ai parlé des avatars de la paix. Ces pseudos arabes et israéliens qui ont décidé de faire l’impensable, dialoguer. Ce qui est effectivement rassurant pour un avatar isolé : se sentir moins seul sur un chemin aussi cahoteux et difficile.
Car dans cette jungle virtuelle, il y a d’autres voix, bien plus hostiles à ce dialogue. Certainement plus majoritaires, comme dans la vie réelle, elles couvrent et étouffent, souvent avec succès, ce petit chuchotement naissant, le chant de la paix.
Ce sont ce que je vais appeler aujourd’hui « avatars de la guerre » sur les réseaux sociaux. Comme dans la vie réelle, et dès que vous vous affichez en tant que partisan arabe de la paix ou de la normalisation avec « l’ennemi de toujours », vous êtes sûr d’être taxé de traitre, de sioniste ou de vendu… Le dialogue est rompu par les insultes, aucune place à un véritable débat. Le camp de la « vérité » s’arroge le droit de vous insulter.
Ces accusations ne me surprennent pas. Ce sont les mêmes discours qui ont bercé mon enfance et qui continuent à bercer les générations du monde arabe et musulman : « Jamais la paix avec l’entité sioniste, tant que la Palestine n’est pas libérée ». Et pour certains, cette Palestine serait « de la rivière à la mer, sinon rien ». Il s’agit donc d’une paix conditionnée au refus de l’autre, à la disparition d’Israël. A la haine et à la guerre. C’est plus une capitulation ou une disparition qu’on demande aux Israéliens. Autrement dit, ils veulent faire la paix avec un état qui n’existerait plus.
Pour imaginer une paix, il faut dépasser la haine et les rancunes, et dieu sait qu’elles existent. Les éradiquer de la pensée des citoyens. Individuellement et collectivement. Comprendre la légitimité de l’autre. L’accepter. Ne pas le vêtir du simple habit d' »ennemi » ou de « colonisateur ». Ou encore « du diable ». Autrement dit, lui donner le droit d’exister. Ne pas voir dans son existence une agression à sa propre histoire ou une hérésie à sa religion. Se mettre à sa place, sans toutefois la lui retirer…
C’est le sens de ma décision. Il est temps pour moi de reconnaître à l’autre ce qu’on m’a demandé toujours de refuser. Oui, j’ai décidé de me mettre de son côté, de m’imprégner de sa version de l’histoire. Je suis conscient de ce qui m’attend et les accusations dont je vais faire l’objet.
Mais je l’assume.