La chute du régime de Bachar al-Assad aurait pu marquer un tournant vers la liberté et la pluralité. Pourtant, la domination croissante des islamistes issus d’Al-Qaïda dans les institutions syriennes laisse peu de place à l’espoir. Mon pessimisme repose sur des faits concrets : une prise de pouvoir inquiétante, l’exclusion des forces politiques alternatives, et des choix stratégiques qui hypothèquent l’avenir d’un État pluraliste et laïc.
1) Le problème initial
Au début, comme beaucoup, je me suis bien sûr réjouis favorable de la chute du régime de Bachar al-Assad, pire régime sanglant des temps modernes. Cependant, j’ai toujours dit et depuis le premier jour que je refusais de voir ce régime dictatorial remplacé par un régime islamiste issu des groupes affiliés à Al-Qaïda.
Dès le départ, j’ai exprimé cette position, mais cela m’a souvent isolé, même parmi mes compatriotes qui n’étaient pourtant pas islamistes. Certains disaient : « Laisse-nous d’abord nous réjouir de la chute du dictateur, nous règlerond le compte des islamistes après. »
Foutaises
Moi, je savais que le « après » poserait de graves problèmes.
2) Les islamistes et la prise de pouvoir
Aujourd’hui, ce que je craignais se concrétise.
Les islamistes, issus d’Al-Qaïda, ont pris une position dominante, scénarisant leur retour comme une conquête islamique. Et la foule des syriens souvent issus des rangs des sunnites applaudissent, hélas.
Les islamistes prennent le contrôle des institutions :
Gouvernement : Les postes clés sont occupés par leurs membres, ce qui soulève des inquiétudes.
Relations internationales : Ils négocient déjà des accords, notamment avec le occidentaux, les pays arabes, la Turquie et surtout Qatar (qui sera premier investisseur de la Syrie nouvelle).
Le tout donc est sous une façade de légitimité. Même les États Unis ont enlevé Al joulani de la liste des terroristes.
Et derrière eux, ce sont des membres ayant servi dans les rangs d’Al-Qaïda qui tirent les ficelles.
Ne pas voir le danger c’est en être complice.
3) L’intégration des milices dans l’armée
Pire encore. Un point encore plus problématique est leur projet de dissoudre les milices islamistes. Bien sûr dit comme ça, on a envie d’applaudir. Mais c’est pour intégrer leurs milices dans l’armée officielle syrienne, sous le ministère de la Défense.
Cela reviendrait à transformer une armée nationale en une force dirigée par des généraux issus d’Al-Qaïda.
Ce scénario est extrêmement inquiétant et dangereux, car :
- Cela renforcerait leur mainmise militaire, appuyée par … la Turquie
- Cela donnerait à ces milices une légitimité et un contrôle institutionnel.
- Cela écarterait définitivement toute perspective d’un État pluriel et laïc.
4) Des discours contradictoires et une réalité inquiétante
Les nouveaux dirigeants promettent de respecter la pluralité et de ne pas attaquer Israël, mais sur le terrain, c’est une toute autre réalité :
- Les autres forces politiques sont complètement exclues du processus de transition
- Ils se comportent déjà comme les seuls vainqueurs, rejetant tout équilibre démocratique.
- ils s’allient avec ceux qui menacent directement Israël (la Turquie) et ceux qui financent le terrorisme et l’antisémitisme (le Qatar)
5) Une position isolée mais justifiée
Malheureusement, je constate que très peu de mes compatriotes partagent ce pessimisme, même parmi ceux en Europe. Beaucoup regrettent aujourd’hui la tournure des événements, mais il est trop tard. Nous aurions dû refuser dès le début cette orientation islamiste.
6) Israël, cet « éternel épouvantail»
Il y a quelques jours, j’ai assisté à une discussion avec des membres éminents de l’opposition syrienne non islamiste. Alors que le sujet portait sur la reconstruction de la Syrie et, surtout, sur la nécessité de rassembler les forces vives et laïques pour contrer les islamistes, certains ont rapidement brandi « l’épouvantail Israël » comme la source des problèmes syriens.
Ils ont repris les mêmes discours mensongers que ceux du régime Assad, affirmant notamment qu’Israël occupait des terres syriennes et avait tué 700 Syriens ces dernières semaines. Ce chiffre, bien sûr, est totalement faux et sans aucun fondement. En réalité, nous avons récemment vu des Druzes du sud de la Syrie demander l’aide et la protection d’Israël, ce qui contredit ces affirmations.
Utiliser Israël comme un bouc émissaire revient à détourner l’attention des véritables problèmes de la Syrie – et Dieu sait qu’ils sont nombreux. Plutôt que de propager des discours de haine, comme le font souvent ceux qui instrumentalisent la cause palestinienne, les Syriens devraient se concentrer sur la réconciliation et la reconstruction de leur propre pays.
7) Des preuves inquiétantes
Enfin, je montre ici deux captures d’écran pour illustrer mon propos. Elles montrent les déclarations d’un responsable de la propagande (qui n’a pas de rôle officiel mais agit comme porte-parole) du régime islamique. Il est suivi par plus de 200000 followers
Dans ses propos, il compare déjà la Syrie à l’Afghanistan des talibans et à l’Iran des mollahs à son début, ce qui montre bien les perspectives des soutiens de ce régime islamiste habillé désormais de modernité et applaudi par les responsables et journalistes occidentaux.
Mon pessimisme ne repose pas sur une simple opinion, mais sur des faits concrets et des choix politiques qui mènent à une impasse pour la Syrie.