Briser l’héritage de la haine : pourquoi j’ai choisi une autre voie
On me demande souvent : pourquoi toi ? Pourquoi as-tu réussi à déconstruire et rejeter la haine dans laquelle tu es né et as grandi ? Voici mon témoignage.
Les raisons sont multiples. Mais il y en a une, essentielle : j’ai toujours été sensible à l’injustice, et profondément révolté par la volonté des sociétés sunnites d’écraser les minorités.
Je suis né Syrien, d’un père sunnite et d’une mère alaouite. Autant dire que j’ai grandi au cœur des fractures confessionnelles qui traversent la Syrie et le monde arabe. Très tôt, on m’a appris à désigner les ennemis : les Juifs, les Alaouites, les Druzes, les chiites, les Occidentaux. Chaque groupe était présenté comme une anomalie, une hérésie ou une trahison envers l’identité sunnite majoritaire à laquelle on me sommait d’adhérer sans poser de questions.
Une révolte intérieure contre la haine apprise
Mais très vite, quelque chose en moi a résisté. Une révolte intime, viscérale, contre cette mécanique de la haine. Contre cette violence muette qui voulait m’apprendre qui aimer, qui haïr, qui rejeter.
J’ai vu de mes propres yeux ce que signifiait être minoritaire dans un monde où la pensée dominante sunnite écrase tout ce qui ne lui ressemble pas.
Même dans une Syrie gouvernée par un clan alaouite, les sunnites, officiellement dans l’ombre, maudissaient les Alaouites et toutes les autres minorités. J’ai vu l’humiliation silencieuse infligée aux Alaouites, y compris dans ma propre famille. J’ai perçu le mépris envers les Druzes, les non-musulmans, les marginaux. Et par-dessus tout, j’ai entendu la haine viscérale contre les Juifs : abstraite, totalisante, jamais interrogée, toujours martelée.
Refuser les mensonges, choisir la vérité
Mais je n’ai jamais pu me résoudre à ces verdicts tout faits. Mon cœur penchait toujours vers ceux qu’on persécutait, vers ceux dont on ne voulait pas entendre la voix. J’ai été témoin du mensonge généralisé, de la falsification de l’histoire, de l’inversion des responsabilités. Et plus je cherchais à comprendre, plus je me heurtais à une vérité que beaucoup refusent encore d’admettre : les sociétés arabes préfèrent accuser les autres plutôt que de regarder leurs propres fautes. Elles condamnent Israël avec fureur, mais se taisent face aux dictatures, aux massacres internes, à la répression des minorités.
Traverser les frontières imposées
C’est pour cela que j’ai choisi un autre chemin. J’ai décidé de rejeter la haine. Un chemin à contre-courant de mon milieu, de mes origines, de mes loyautés supposées. J’ai choisi de lire, d’écouter, de rencontrer, de traverser les frontières qu’on m’avait imposées.
Voir Israël autrement : une expérience humaine
J’ai voulu comprendre Israël non pas à travers le prisme de la haine, mais à travers l’expérience humaine. Je suis allé en Israël en tant que Syrien. J’ai voulu entendre les Druzes, les Juifs, les minorités oubliées, non les diaboliser. J’ai voulu, et je veux encore, les défendre, inlassablement.
Briser la chaîne de la haine
Mon combat aujourd’hui est simple : briser la chaîne de la haine, dénoncer les impostures, défendre la coexistence.
Cela me vaut des accusations de trahison, des insultes, parfois même des menaces. Mais je préfère mille fois être du côté de la justice que du côté de la foule.
Choisir l’humanité, contre vents et marées
Je ne suis pas devenu un autre. Je suis devenu moi-même.
Et je continuerai, contre vents et marées, à tendre la main à ceux que les miens ont appris à haïr. Parce que c’est cela, la vraie liberté : choisir l’humanité, quand tout vous poussait à la renier.