L’évolution de la position des puissances occidentales, notamment les États-Unis et les pays européens, vis-à-vis de Hay’at Tahrir al-Sham (HTS) en Syrie, met en lumière des contradictions flagrantes dans leur approche de la lutte contre le terrorisme et de la gestion des zones de conflit. HTS, issu de l’ancienne branche syrienne d’Al-Qaïda, Jabhat al-Nosra, a longtemps été désigné comme une organisation terroriste. Pourtant, les récentes tendances suggèrent une acceptation tacite, voire une collaboration, entre HTS et certains acteurs internationaux, soulevant des questions éthiques et stratégiques cruciales.
De terroriste à partenaire ?
Le changement de discours autour de HTS est frappant. Autrefois associé à l’extrémisme et à la violence, HTS est aujourd’hui présenté par certains comme une force modérée et stabilisatrice en Syrie. Son leader, Abou Mohammad al-Jolani, tente même de se positionner comme un acteur pragmatique. Les diplomates occidentaux se précipitent dans son salon,sans la moindre réserve ni condition. Les analystes évoquent un “changement idéologique et comportemental” de HTS et mettent en avant l’efficacité administrative du gouvernement de salut public (GSP), soutenu par le groupe, pour justifier une révision de son statut.
Cependant, cette tentative de réhabilitation est profondément problématique.Le groupe reste accusé de graves violations des droits humains et d’avoir opéré un contrôle autoritaire sur Idleb. Que ces actions soient désormais présentées comme des avancées positives témoigne d’une inquiétante volonté d’ignorer les crimes passés pour des intérêts stratégiques à court terme.
Le rôle de l’Occident
L’attitude occidentale face à HTS illustre l’incohérence de ses politiques en Syrie. D’un côté, les États-Unis maintiennent une prime de 10 millions de dollars sur la tête de Jolani. De l’autre, ils lui permettent d’opérer au grand jour, sans craindre de frappes de drones. Ils viennent même de reconnaître vouloir dialoguer avec lui.
Cette contradiction montre que la survie de HTS n’est pas le fruit d’un oubli, mais d’un choix délibéré ? Un peu à la Khomeini ?
En réalité les communications entre HTS et des responsables américains, ainsi que des gouvernements européens, confirment le niveau de déconnexion et du peu pragmatisme qui guide leur politique.
Les dangers de la normalisation
Cette normalisation de facto de HTS crée un précédent dangereux. En engageant le dialogue avec un groupe ayant prêté allégeance à Al-Qaïda, l’Occident risque de saper sa crédibilité dans la lutte contre le terrorisme. Le même dirigeant était à la tête d’un mouvement qui perpétré des attentats en Irak. s’il le pouvait, il aurait tué des centaines d’Américains et d’Européens. Penser qu’il aurait changé, est une naïveté complice, au moins.
L’idée qu’HTS puisse “mériter” une place à la table des négociations est très dangereuse. En outre, la perspective de retirer HTS de la liste des organisations terroristes soulève d’importantes inquiétudes quant à l’absence de justice pour ses crimes documentés.
Les implications de cette approche vont bien au-delà de la Syrie. Si les puissances occidentales sont prêtes à réhabiliter HTS pour des raisons de convenance géopolitique, quel message cela envoie-t-il aux autres groupes extrémistes ?
Pourquoi accorder une réhabilitation à HTS et pas à des mouvements terroristes comme le Hamas ? Déjà que la France d’Emmanuel Macron ne considère pas le Hezbollah dans son intégralité comme un mouvement terroriste, voyez-vous où cela peut mener ?
L’idée que les désignations terroristes puissent être négociées en fonction des intérêts stratégiques envoie un signal alarmant et fragilise les cadres de lutte contre le terrorisme.
Une politique à courte vue
Le soutien occidental à HTS peut offrir une solution temporaire aux complexités du conflit syrien, mais il s’agit d’une politique à courte vue. En légitimant un groupe au passé extrémiste, l’Occident risque de perpétuer l’instabilité et d’aliéner ceux qui ont souffert sous le régime de HTS.
Un véritable progrès en Syrie nécessite un engagement envers la justice et la responsabilité, et non des alliances opportunistes avec des acteurs qui n’ont pas totalement renoncé à leur passé violent. Il nécessite surtout de faire pression sur ce mouvement pour ouvrir la période de transition à toutes les composantes politiques en Syrie.
En acceptant de figurer dans la cour des islamistes, les occidentaux coupent la route vers une Syrie pluraliste et laïque.
Est ce cela qu’ils veulent ?
On se le demande.