Il est 6h31, ce 7 octobre 2023. Une notification WhatsApp me tire brutalement de mon sommeil :
« Alexandre, le Hamas nous attaque, c’est l’horreur. »
Le message provient d’un ami israélien, et pendant un bref instant, j’ose espérer que ce n’est qu’un cauchemar. Mais la réalité me rattrape rapidement.
D’autres notifications suivent, une avalanche de messages d’amis israéliens. L’horreur prend forme. J’ai du mal à y croire. Comment une telle barbarie peut-elle être réelle ? Des monstres sont littéralement tombés du ciel. En quelques heures, des centaines de vies fauchées, des pacifistes, même des pro-palestiniens égorgés par ceux qu’ils défendaient. La sauvagerie dépasse toute compréhension.
Une rage sourde monte en moi, avec une question lancinante : comment cela a-t-il pu arriver ?
Je suis d’origine syrienne. Toute ma jeunesse, on m’a désigné Israël comme l’ennemi à abattre. Pourtant, bien avant ce 7 octobre, j’avais déjà compris que cette nation vivait sous une menace permanente, une menace existentielle. J’avais ressenti cette haine omniprésente qui l’entoure, ce désir implacable de la détruire.
Et pourtant, à la veille de cette tragédie, j’étais en Israël. J’avais discuté, plutôt disputé, avec des amis israéliens, principalement de gauche. Je voyais en eux une espérance presque naïve, une foi inébranlable en la paix. Ils ne voulaient pas me croire :
« Ne soyez pas naïfs, » leur disais-je. « Beaucoup veulent votre mort. »
Mais ils secouaient la tête, sûrs d’eux, convaincus que le dialogue et les concessions suffiraient :
« C’est notre faute, » me répondaient certains d’entre eux. « Si nous faisons des efforts, la paix viendra. »
L’un d’eux, me disait en riant : « Heureusement que tu n’es pas Israélien, tu voterais pour Netanyahu ! »
Cette remarque, lancée sur le ton de l’humour, résonne différemment aujourd’hui. À l’époque, elle me faisait sourire. C’était un clin d’œil à mes positions plus fermes sur la sécurité d’Israël, des idées que certains de mes amis, plus idéalistes, trouvaient trop radicales. Mais aujourd’hui, après le 7 octobre, cette phrase a pris un tout autre sens.
Puis le 7 octobre est arrivé. Le massacre. Le pogrom. L’horreur absolue. Et les mêmes qui secouaient la tête m’envoyaient des messages dévastés :
« Alexandre, tu avais raison. »
Ce 7 octobre n’était pas une simple attaque. C’était un massacre prémédité, une boucherie moderne. Une volonté assumée de « Tuer les yahouds », applaudie par des Gazaouis et Palestiniens dits civils. Des images insoutenables de civils abattus, de familles anéanties, d’enfants arrachés à leurs parents, d’enfants israéliens trainés par des enfants de gaza, de femmes violées et réduites en esclavage, de grande mère à l’arrière d’une voiture entre deux terroristes « victorieux », de cris d’Allah Akbar, de pâtisserie distribuée à la gloire de la mort… Interminables images de l’horreur à l’état pur.
La terreur a envahi Israël, et le monde entier a vu, impuissant, la face la plus abjecte de la haine humaine se dévoiler. Ces images, diffusées en temps réel sur les réseaux sociaux, sont gravées dans notre mémoire collective, elles nous hantent, elles nous blessent, elles nous révoltent. Encore et toujours.
Mais l’après-coup fut encore plus insupportable. Sur les mêmes réseaux, surtout dans certaines communautés du monde arabe et parmi les soutiens du Hamas en Occident, un torrent de haine s’est déversé. Des commentaires ignobles, des vidéos célébrant la mort, et les camps de concertation, des posts glorifiant les bourreaux. La parole de la haine s’est libérée, nous l’avons vu déferler sur nos écrans, dans nos timelines. La mort et la terreur étaient devenues objets de célébration.
Et puis, même en France, certains se sont précipités pour justifier l’injustifiable, pour acclamer le Hamas au nom d’une soi-disant « résistance ». Des images de civils tués étaient partagées, non pour dénoncer, mais pour célébrer. Voir la barbarie recevoir des applaudissements, voilà ce qui m’a le plus frappé, ce qui a révélé le visage déformé d’une haine sourde, longtemps tue, qui n’attendait qu’une occasion pour éclater au grand jour.
En France, j’ai vu cette haine réapparaître avec une violence que je croyais reléguée à un passé révolu. Des discours antisémites, des ambiguïtés morales, des silences complices ont fait de cette tragédie une alarme pour tous.
Un an plus tard, les plaies sont encore béantes. Les familles pleurent toujours leurs morts, et nous, témoins de cet abîme de cruauté, sommes marqués à jamais. Certaines attendent toujours le retour des leurs depuis les tunnels de l’horreur.
En réalité, ce n’était pas seulement une attaque contre Israël. C’était une attaque contre l’humanité elle-même.
Ce 7 octobre 2023 a révélé le visage le plus sombre de l’humanité. Mais il a aussi montré à quel point certains sont prêts à nier l’horreur, à la justifier sous couvert d’une cause.
Ce qui me hante le plus, ce n’est pas seulement cette attaque, mais cette normalisation de la haine. Une haine banalisée, partagée, applaudie. La mort est devenue une simple arme de propagande, et avec elle, la dignité humaine s’est perdue.
Face à cela, nous n’avons pas le droit de rester silencieux. Il est impératif de dénoncer cette violence, de combattre cette légitimation perverse qui enrobe la barbarie d’un voile de respectabilité.
Le 7 octobre 2023 restera gravé dans nos cœurs comme le jour où l’horreur a frappé Israël, mais il doit aussi devenir le symbole d’une lutte plus grande : celle contre la propagation de la haine et l’antisémitisme.
Ce qui est arrivé à Israël, peut nous arriver demain, ici chez nous.
Ils veulent notre mort, ne soyons pas naïfs.