Depuis le début, je savais que je ne pleurerais pas le dictateur Assad, mais que je n’applaudirais jamais non plus un islamiste issu d’un mouvement terroriste.
Ni l’un ni l’autre.
J’ai dénoncé, sans relâche, l’emprise des islamistes dans cette nouvelle Syrie. Et j’ai condamné avec la même constance les compromissions de certaines capitales occidentales, prêtes à soutenir, financer, voire légitimer un pouvoir de substitution tout aussi condamnable que le régime d’Assad, mais maquillé désormais en « modéré ».
Le massacre des alaouites, passé sous silence, m’avait donné raison.
Les milices du Joulani, n’ont jamais incarné une voie modérée. Elles ont été , et sont encore , un Daech qui a su séduire les chancelleries occidentales
Avec une maîtrise du pouvoir, un contrôle sur les territoires, une communication politique et, de plus en plus, une reconnaissance arabe et internationale.
Aujourd’hui, on me reproche d’être trop dur. Certains amis, même parmi les anciens opposants syriens, me disent : « Donne-lui une chance… »
Sa visite aux Émirats serait le signe d’un tournant, me dit on, d’un possible arrimage à une vision plus modérée, incarnée par un pays qui s’est toujours opposé à l’islam politique.
Mais je ne parviens pas à y croire.
Joulani vient d’une matrice : celle des Frères musulmans , version armée et djihadiste.
Il est soutenu par le Qatar et la Turquie, parrains historiques de l’islam politique.
Je ne crois pas qu’un simple déplacement à Abou Dhabi efface des années d’idéologie et de compromissions.
J’ai toujours admiré les Émirats arabes unis pour leur combat contre l’extrémisme, pour leur promotion d’un islam éclairé, pour leur lutte contre l’antisémitisme, pour leur vision d’une coexistence possible.
Lors de mes voyages là-bas, j’ai vu cette volonté sincère de mes propres yeux. Pas seulement de manière officielle mais dans la rue. J’ai espéré qu’elle (la volonté) se démultiplie ailleurs dans la région.
Mais le 7 octobre a tout fracassé. Cette date a mis fin à bien des illusions, y compris les miennes.
Je reste convaincu que l’islamisme djihadiste qui s’est imposé en Syrie ne peut devenir modéré.
Le vernis adressé à l’Europe ne change rien à la réalité sur le terrain : islamisation forcée, exclusion des minorités, refus de tout projet réellement inclusif, réécriture unilatérale de la constitution sans aucune légitimité démocratique.
C’est pour tout cela que je m’oppose à ce régime. Non par entêtement, mais parce que je refuse de croire aux métamorphoses opportunistes.
Les Émirats pourront contribuer à la reconstruction, mais ils ne seront pas un modèle pour ces islamistes. Je leur dis cela avec tout le respect pour leur modèle pacifiste. Les influences turques et qataries finiront toujours par reprendre le dessus.
Je peux me tromper. Et si je me trompe, tant mieux.
Je ne demande que cela : me tromper, si cela signifie une chance réelle pour la Syrie.