Contrairement à de nombreux Syriens en exil qui expriment leur satisfaction face aux récents événements, je ne peux me réjouir de ce qui se passe en Syrie. Cette tragédie, qui dure depuis plus d’une décennie, ne cesse de replonger le peuple syrien dans des cycles de souffrance et de désespoir.
Il est indéniable que les Syriens aspirent à se libérer d’un régime autoritaire, sectaire et criminel. Le régime de Bachar al-Assad, par sa répression brutale et ses crimes de guerre, a écrasé son propre peuple, détruit des villes entières et semé la peur dans chaque recoin du pays.
Cependant, la perspective d’une alternative incarnée par des groupes extrémistes tels que Hayat Tahrir al-Cham (HTS), anciennement Jabhat al-Nosra, ou encore Daech, est tout aussi effrayante.
Ces factions islamistes radicales promettent non pas un avenir meilleur, mais un passage d’une oppression à une autre, d’une tragédie à une nouvelle calamité.
Une guerre sans solution évidente
Les récentes prises de pouvoir par des groupes rebelles, notamment à Alep, illustrent la complexité de la situation syrienne.
Ces victoires militaires ne s’accompagnent pas de véritables solutions politiques ou sociales pour un peuple qui aspire à la paix et à la reconstruction. Les factions rebelles, souvent divisées et soutenues par des puissances étrangères aux motivations douteuses, manquent de légitimité et d’un projet viable pour l’avenir du pays.
Malgré leur contrôle grandissant sur certaines régions, ces groupes ne recevront jamais de reconnaissance internationale réelle, en dehors de leurs sponsors.
Le soutien turc, par exemple, bien qu’important pour certaines de ces factions, est conditionné par les intérêts géopolitiques d’Ankara, qui cherche à sécuriser ses frontières et à contenir l’influence kurde. Ce soutien est donc temporaire et opportuniste, loin de servir les aspirations du peuple syrien.
Une tragédie aux multiples facettes
Cette réalité met en lumière une vérité douloureuse : le peuple syrien est pris en otage, coincé entre un régime tyrannique et des alternatives radicales qui ne représentent pas ses aspirations. Le chaos actuel est la conséquence d’une décennie de guerre où les puissances internationales et régionales ont utilisé la Syrie comme terrain de jeu pour leurs propres intérêts, sans se soucier du sort des habitants.
Dans ce contexte, les Syriens continuent de porter le fardeau d’un conflit qu’ils n’ont pas choisi. Les espoirs de révolution se sont transformés en cauchemar prolongé, où chaque camp, qu’il s’agisse du régime ou des islamistes radicaux, exploite les populations civiles pour asseoir son pouvoir.
Un avenir incertain
La question qui demeure est celle de l’avenir. Que peut espérer le peuple syrien après tant de sacrifices ? Un futur libre de l’oppression semble encore lointain. Pourtant, cette aspiration existe, portée par les millions de Syriens qui refusent à la fois la dictature et l’extrémisme
La communauté internationale a, jusqu’à présent, échoué à proposer des solutions durables. Ce vide politique laisse les Syriens livrés à eux-mêmes, face à des acteurs locaux et régionaux qui ne cherchent qu’à maximiser leurs gains à court terme
Ce qu’il faut, c’est un véritable projet de reconstruction, une vision politique inclusive et démocratique qui respecte la diversité ethnique et religieuse de la Syrie. Mais pour cela, il faudra non seulement que les acteurs syriens s’accordent, mais aussi que la communauté internationale cesse de traiter la Syrie comme un simple dossier parmi tant d’autres.
Aujourd’hui, plus que jamais, le peuple syrien mérite un avenir à la hauteur de ses sacrifices. Cet avenir ne peut émerger que d’une prise de conscience collective : ni la tyrannie, ni l’extrémisme ne sont des solutions. La voie vers la paix et la justice est difficile, mais elle reste le seul chemin qui honore la dignité d’un peuple brisé, mais résilient.
Faraj Alexandre Rifai