Texte intégral de la tribune publiée sur Le Figaro «Concitoyens arabo-musulmans, ne laissez pas votre voix à l’islamisme» : l’appel d’un Syrien devenu Français » par Faraj Alexandre Rifai.
Je suis né en Syrie, dans une société où l’on nous apprenait à désigner l’Occident comme responsable de nos malheurs, et les Israéliens et Juifs comme des ennemis héréditaires. Pendant plus de vingt ans, j’ai grandi dans un monde saturé de récits d’humiliation, de ressentiment, d’islamisation rampante, et d’une haine soigneusement distillée.
Et pourtant, c’est en France que j’ai découvert la liberté de penser. C’est en Israël que j’ai rencontré mon prétendu ennemi. Et c’est à la République que je dois cette réconciliation intérieure : la mienne.
Aujourd’hui, à la lecture du rapport lucide et courageux du préfet Alexandre Brugère sur la lutte contre l’islamisme, je souhaite m’adresser à mes concitoyens de culture arabo-musulmane de France. Pas pour les accuser. Ni pour les flatter. Mais pour leur dire qu’ils ont entre les mains une force immense, trop souvent ignorée : la capacité d’être des bâtisseurs de ponts entre deux mondes, au lieu d’en être les otages.
L’islamisme vous cible. Il vous enferme. Il vous trahit.
L’islamisme n’est pas une foi. C’est un projet politique. Une idéologie de conquête qui prétend parler au nom des musulmans mais qui, dans les faits, les trahit et les réduit. Il les assigne à une identité figée, les pousse au repli, les coupe du reste de la société pour les enfermer dans une communauté victimaire, fantasmée, hostile à l’universel.
Ce que décrit le rapport Brugère, ce ne sont pas des fantasmes. C’est une réalité que chacun peut observer : dans les mosquées instrumentalisées, dans les associations identitaires, dans le sport, le commerce, les réseaux sociaux, et parfois même dans les conseils municipaux. Un travail d’infiltration lent, diffus, souvent masqué — mais toujours orienté vers un objectif : fracturer la République et imposer un contre-modèle fondé sur le repli, la soumission et la séparation.
Je sais de quoi il s’agit. J’ai vécu en Syrie. J’ai vu comment les islamistes s’emparent de la colère, de la pauvreté ou de la religion pour faire imploser une société de l’intérieur. On l’a vu aussi en Égypte, où les Frères musulmans ont tenté d’imposer leur emprise au nom d’un islam dévoyé. On l’a vu en Algérie, où la décennie noire a laissé derrière elle des dizaines de milliers de morts.
Posez-vous une question simple : dans quel état sont les pays où l’islamisme fait loi et que, pour certains, vos parents ont quittés ? L’Iran, où les femmes sont battues pour une mèche de cheveux ? Le Pakistan, où l’ombre des fatwas plane sur chaque esprit libre ? L’Afghanistan, où les filles sont rayées du paysage éducatif ? Ces pays, vos familles les ont fuits. Et voilà qu’on voudrait importer ici les modèles qui ont mené à leur ruine ?
Un piège pour les musulmans eux-mêmes
Ce que beaucoup ne mesurent pas, c’est que le projet islamiste est aussi un piège pour les musulmans eux-mêmes. Car il leur vole leur liberté. Il réduit leur identité à une affiliation rigide, où toute pensée critique devient une trahison, où toute ouverture à l’autre devient une faiblesse, où la religion devient un outil de contrôle social. Il isole, culpabilise, et finit par transformer une foi vécue en conscience intime en une camisole communautaire.
Alors soyons lucides : le combat contre l’islamisme n’est pas une croisade contre les musulmans. C’est une ligne de défense contre l’effondrement, pour eux aussi. Il permet de protéger ce que leurs parents sont venus chercher en France : la liberté, la dignité, la possibilité de croire ou de ne pas croire, sans surveillance idéologique ni police religieuse.
La République ne vous suspecte pas. Elle vous appelle.
Je connais la blessure de ceux qui se sentent regardés avec suspicion. Et je comprends l’exaspération de ceux à qui l’on demande sans cesse de “se désolidariser”. Mais je refuse tout autant la posture inverse : celle qui transforme toute critique de l’islamisme en attaque contre l’islam, et toute exigence républicaine en “islamophobie”.
Nous devons sortir de cette logique binaire. Ce n’est pas à vous de vous excuser d’être musulmans. Mais c’est à vous, comme à nous tous, de défendre le bien commun. Vous êtes pleinement Français, et l’avenir de la République vous appartient autant qu’à quiconque.
La laïcité est votre alliée
En Syrie, j’ai vu la haine confessionnelle déchirer mon pays. En France, j’ai découvert un modèle unique : la laïcité, qui ne nie pas les religions, mais les empêche de devenir des armes. Un modèle qui vous permet, si vous le souhaitez, d’être croyants, mais jamais prisonniers d’un clergé ou d’un pouvoir religieux.
Ne laissez personne vous convaincre que la laïcité est votre ennemie. Elle est ce qui vous protège des fanatiques. Elle garantit que votre foi reste un choix libre, et non imposée.
Vous êtes des ponts. Ne vous laissez pas réduire au silence.
J’ai longtemps cru qu’il fallait choisir. Entre mon héritage arabe et ma liberté française. Entre la mémoire de mes origines et les valeurs de ma nouvelle patrie. Et c’est en brisant ce faux dilemme que je me suis reconstruit.
Vous êtes nombreux à vivre ce tiraillement. Et pourtant, c’est précisément votre position “entre deux” qui fait votre richesse. Vous venez de deux mondes. Vous comprenez deux langages. Vous êtes en capacité de relier, d’expliquer, de faire dialoguer. Vous pouvez être les voix qui apaisent. Les figures qui rassurent. Les bâtisseurs d’un avenir commun.
Mais pour cela, il faut refuser les injonctions séparatistes, qu’elles viennent des islamistes, de l’extrême gauche ou de certains États étrangers. Et assumer une mission noble : tenir le centre, faire tenir la République.
La République vous tend la main. Saisissez-la.
Elle me l’a tendue. Elle m’a permis de me reconstruire. Elle m’a permis d’écrire un livre, Un Syrien en Israël, où je raconte ce chemin improbable — de la haine à la lucidité, du rejet à la rencontre.
Aujourd’hui, je vous appelle à faire ce chemin. Pas pour renier ce que vous êtes. Mais pour l’accomplir pleinement. L’islamisme vous vole votre voix. Ne la lui laissez pas.
La République vous aime, disait le préfet Brugère. Elle vous appelle. Moi aussi.
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