Il aura fallu des années d’alertes, un rapport explosif et une pression médiatique croissante pour que le président Macron annonce enfin, lors du Conseil de défense, des mesures qui pourraient marquer un tournant, mais qui restent néanmoins en deçà de l’urgence et de la gravité du péril.
Des avancées techniques, mais une absence de vision globale
Le chef de l’État acte des mesures nécessaires : élargissement des dissolutions aux fonds de dotation, curateurs pour liquider les biens des associations dissoutes, gel des avoirs, contrôle fiscal des dons, encadrement de l’enseignement à distance, surveillance des écoles confessionnelles et des ouvrages extrémistes. Ces outils vont dans le bon sens, mais ils restent techniques, défensifs et fragmentés.
Or, comme le souligne le rapport Brugère et comme je l’ai écrit dans mes tribunes, le danger n’est pas seulement juridique ou financier. C’est un projet de société total, infiltrant les écoles, les mosquées, le sport, les réseaux sociaux, les associations, les entreprises et jusqu’aux conseils municipaux. Un projet d’OPA sur l’esprit des jeunes générations et sur la République elle-même. Ce combat est civilisationnel avant d’être administratif.
Une lucidité partielle, entravée par des calculs diplomatiques
Pourquoi avoir attendu si longtemps, alors que l’État savait ? Pourquoi ces mesures arrivent-elles après des années d’atermoiements, de naïvetés et de compromissions ? La réponse est dans le texte même de l’article du Figaro : les réticences du Quai d’Orsay, inquiet des réactions du monde arabo-musulman. Tout le problème est là. Et de quels pays arabes s’agit-il ?
Cette frilosité géopolitique est une faillite morale. L’Égypte, la Jordanie, les Émirats arabes unis, la Tunisie ont interdit les Frères musulmans. Même la Syrie d’Al-Sharaa, sous la pression internationale, s’en éloigne. Seule la France, patrie de la laïcité, s’est longtemps voilée la face par crainte de froisser ses partenaires économiques ou diplomatiques.
Résultat : pendant que Paris se taisait, les Frères musulmans avançaient.
L’essentiel manque : pas d’interdiction des Frères musulmans eux-mêmes
Mais surtout, il manque une mesure centrale : l’interdiction des Frères musulmans eux-mêmes.
La France se refuse à qualifier cette confrérie pour ce qu’elle est : un mouvement politico-religieux radical, hostile aux principes républicains et porteur d’un projet de société islamiste global.
On dissout des associations satellites, on gèle quelques fonds, mais on laisse intacte la matrice idéologique et organisationnelle. Pourquoi ?
La confrérie continue d’exister légalement, de recruter, de diffuser son influence à travers des visages neufs, des collectifs de façade ou des influenceurs numériques.
C’est une faiblesse stratégique majeure. Laisser les Frères musulmans libres, c’est laisser leur projet prospérer sous d’autres noms, avec les mêmes méthodes. Les pays arabes lucides l’ont compris. La France non.
Des angles morts persistants : la guerre culturelle et médiatique oubliée
Macron cible les structures financières et administratives, mais il oublie les canaux idéologiques. Où est la riposte contre AJ+ français, vitrine du Qatar qui diffuse quotidiennement une propagande anti-occidentale et anti-israélienne, nourrie de frérisme ? Où est la contre-offensive sur TikTok, Instagram et YouTube, où prospèrent les influenceurs islamistes qui séduisent la jeunesse ?
Combattre l’entrisme sans mener une guerre culturelle est illusoire. Les dissolutions administratives ne suffisent pas à endiguer la contamination des esprits. Il manque une stratégie d’éducation, de communication et d’incarnation des valeurs républicaines.
Une logique d’entrave plus que de reconquête
Le gouvernement parle « d’entrave renforcée ». Mais où est la reconquête des quartiers, des esprits et des consciences ? Où sont les alternatives pour les jeunes ? Où sont les grandes figures issues de l’islam éclairé, soutenues et mises en lumière pour offrir un autre horizon ?
Brugère l’avait dit : c’est aussi aux Français musulmans qu’il revient de livrer ce combat. Mais l’État doit les soutenir, les protéger des intimidations islamistes, et pas les laisser seuls face à cette pression sociale.
Un risque électoral majeur ignoré
Enfin, Macron reconnaît à demi-mot le risque de listes communautaristes aux municipales de 2026, mais n’annonce rien de concret pour anticiper ce scénario. Qui aura le courage d’interdire des listes ou des candidats sous influence islamiste ? Qui mettra fin aux alliances électorales nauséabondes entre islamistes et extrême gauche, comme le dénonce à juste titre Bruno Retailleau ?
Un pas dans la bonne direction, mais encore trop timide
Oui, ces mesures vont dans le bon sens. Mais elles arrivent tard, sont encore trop timides, et ne s’attaquent pas au cœur du problème : la guerre d’influence que les Frères musulmans mènent dans les consciences. Sans stratégie culturelle, éducative et politique globale, sans courage diplomatique, la France restera vulnérable.
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Par Faraj Alexandre Rifai, essayiste diplômé de l’ESSEC, auteur de Un Syrien en Israël
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