On me reproche souvent d’être trop critique envers Emmanuel Macron. Mais ma critique s’appuie sur des faits : au Moyen-Orient, la France s’égare entre émotion et diplomatie de façade. À force de gestes trop chaleureux envers des acteurs controversés, le président brouille les repères d’une politique étrangère qui devrait incarner clarté, exigence morale et cohérence stratégique.
Certains me reprochent d’être trop critique envers le président Emmanuel Macron — ses soutiens me disent en être même obsédé.
Mais la critique n’est pas une obsession quand elle s’appuie sur des faits, des symboles et une exigence. Ce n’est pas l’homme que je vise, mais la manière dont il engage la France dans un rôle brouillon, parfois indécent, incompris, sur la scène moyen-orientale.
Puis, je n’ai pas fui, en tant que Syrien, la dictature d’Assad pour me taire en tant que Français — surtout sur des questions que je connais intimement, comme le conflit du Moyen-Orient, et qui me touchent directement.
Bien sûr, parler avec tous les protagonistes du Moyen-Orient n’est pas un problème. C’est même recommandé et obligé pour une puissance comme la France. Mais la manière, le moment et le message comptent.
Ce n’est pas le dialogue dans un Moyen-Orient tiraillé que je critique, mais la posture. Ce n’est pas la rencontre avec des acteurs démodés et contestés que je dénonce seulement, mais la complaisance avec eux. Et ce n’est pas l’ouverture que je rejette, mais le double langage qui, sous couvert d’équilibre, nourrit les pires déséquilibres.
Parler avec tous, oui, mais pas n’importe comment
Bien sûr qu’il faut parler avec le Qatar, avec Mahmoud Abbas, avec le président syrien Al Sharaa, ou d’autres figures, même si elles sont controversées et critiquables : ce sont, qu’on le veuille ou non, des acteurs clés au Moyen-Orient. Une diplomatie sérieuse ne se construit pas avec des gens « fréquentables » uniquement, mais dans la confrontation avec les visions et réalités différentes.
Ce n’est donc pas le dialogue que je conteste ; c’est son absence de cadre, de conditions et de sens. Une France lucide devrait dialoguer avec tous les protagonistes, mais sans perdre sa boussole et sa colonne vertébrale : la clarté morale, la cohérence politique et surtout l’exigence du pays qui a mis au monde beaucoup des droits humains.
Le timing et la posture : deux fautes majeures
Les gestes diplomatiques ont un poids symbolique immense. Une poignée de main, un sourire, un mot, surtout dans un contexte de guerre et de douleur, peuvent être interprétés comme un signal. Un geste diplomatique trop amical peut rapidement se transformer en complicité et aveuglement.
Or, dans les semaines qui ont suivi le pogrom du 7 octobre, le président français a multiplié les gestes de chaleur à l’égard de ceux qui, directement ou indirectement, ont financé ou légitimé la violence islamiste. On ne s’adresse pas, quelques semaines après un massacre, à « mon ami le prince » dont le pays finance et abrite les mouvements islamistes qui l’ont commis.
En outre, on n’enlace pas un ex-djihadiste — même repenti — après un massacre d’Alaouites en Syrie.
On n’embrasse pas chaleureusement un Mahmoud Abbas négationniste et financier des familles des terroristes du 7 octobre. On ne l’appelle pas par le nom de son passé contesté et terroriste, Abou Mazen.


Je ne suis pas diplomate, mais je crois que la diplomatie, c’est aussi une grammaire du verbe et du corps. Or Macron brouille les codes : là où la France devrait incarner la retenue, il choisit la proximité exagérée. Là où elle devrait imposer la distance, il opte pour le contact, trop tactile avec ceux qui, au Moyen-Orient, le prennent pour une approbation complète et une amitié par défaut. Un chèque en blanc. Ce trop-plein d’émotion dessert sa cause et brouille l’image d’une France sage, neutre, exigeante — celle qui sait allier fermeté et courtoisie diplomatique.
La neutralité perdue : de médiateur à opportuniste
Le plus grave est sans doute ailleurs : dans l’impression que la France, sous Macron — mais sous d’autres présidents aussi, faut-il le reconnaître —, n’agit plus comme une puissance de paix, mais comme la tête d’un camp.
De nos jours, on a l’impression d’être face à une France qui semble vouloir plaire à tous les ennemis d’Israël plutôt que de construire des ponts entre eux.
Une France qui, en cherchant à s’ériger en championne de la « cause palestinienne », conforte paradoxalement ceux qui refusent la paix.
Car flatter les islamistes, réhabiliter les corrompus ou excuser les négationnistes, ce n’est pas pacifier : c’est conforter la haine, seul et unique poison du Moyen-Orient.
Et c’est, au fond, une forme de complicité morale avec ceux qui ne veulent pas de coexistence.
Être un ami exigeant, non un complice opportuniste
La vraie diplomatie, celle d’un partenaire de paix, consiste à dire la vérité avec respect, mais sans faiblesse.
Un ami sincère ne caresse pas dans le sens du préjugé : il pousse à en sortir.
Un dirigeant digne n’attise pas les haines pour s’offrir une image d’équilibriste.
La France aurait pu être ce repère d’équilibre et de sagesse. Elle est devenue, surtout sous la présidence d’Emmanuel Macron, un miroir des contradictions occidentales : trop émotive pour être crédible, trop naïve pour être prise au sérieux, trop soucieuse de plaire pour être respectée. trop opportuniste pour être sincère.
Critiquer Macron, ce n’est pas refuser le dialogue qu’il prétend instaurer avec des forces infréquentables — c’est la realpolitik et la diplomatie. C’est rappeler qu’un dialogue sans colonne vertébrale devient une compromission.
Et qu’au Moyen-Orient, les gestes comptent souvent plus que les discours.
Et je le dis avec tristesse : il n’y a rien de réjouissant à critiquer la politique de la France, mon pays d’adoption auquel je suis profondément attaché. Je crois sincèrement qu’elle peut encore jouer un rôle central et respecté au Moyen-Orient — à condition de retrouver la cohérence, la dignité et la mesure qui ont fait sa grandeur.