Oui, la haine des Juifs est bien enracinée dans le monde arabo-musulman. Et c’est précisément pour cela qu’il faut avoir le courage de la nommer.
Par F. Alexandre RIFAI
« La haine des Juifs vient essentiellement du monde arabo-musulman », a récemment déclaré Manuel Valls. Immédiatement, toute la gauche s’est insurgée et un député NFP a annoncé vouloir saisir le procureur de la République pour “incitation à la haine”. Le renversement est total : ce n’est plus l’antisémitisme qu’on combat, mais ceux qui osent le nommer.
Je suis Syrien. J’ai grandi à Damas, dans une société où la haine des Juifs n’était pas une opinion marginale, mais un réflexe culturel profondément ancré. Elle était partout : dans les livres scolaires, dans les prêches du vendredi, dans les blagues de rue, dans les discours officiels, dans les rumeurs populaires. On ne faisait pas la différence entre un Juif, un Israélien, un sioniste ou un supposé agent du “complot”. C’était un bloc de haine monolithique, transmis sans questionnement, comme une vérité intangible.
J’ai moi-même été imprégné de cette haine. Je n’en suis pas fier. Mais c’est la vérité.
Et pourtant, j’en suis sorti. En arrivant en France, c’est un ami socialiste, un élu de gauche, qui a commencé à m’ouvrir les yeux. Il n’a pas fait la leçon. Il a écouté, il a dialogué, il m’a confronté aussi. Il m’a surtout fait comprendre que cette haine n’était pas la mienne, qu’elle m’avait été imposée. J’ai commencé à lire, à me documenter, à penser par moi-même. J’ai découvert une histoire juive, une culture, des visages, des noms, des destins. Et j’ai compris. Je me suis reconstruit.
C’est pourquoi je refuse aujourd’hui que l’on accuse Manuel Valls de “haine”, quand il ne fait que nommer une réalité que tant d’entre nous avons vécue.
Dire que l’antisémitisme est présent dans la culture arabo-musulmane, ce n’est pas essentialiser les Arabes ou les musulmans. Ce n’est pas les condamner, encore moins les stigmatiser. C’est, au contraire, leur tendre la main. C’est les considérer comme capables d’autocritique, comme dignes d’un combat commun contre cette haine. Car si l’antisémitisme est un poison, alors il est urgent de regarder d’où il vient, pour mieux l’extirper.
Aujourd’hui, un jeune Syrien qui arrive en France ne trouvera plus forcément sur son chemin un ami de gauche prêt à l’aider à déconstruire ses préjugés. Il risque de croiser, au contraire, des élus d’une certaine gauche — LFI en tête — qui flatteront ses haines, les excuseront, les rhabilleront en “colère légitime”, les détourneront vers Israël, puis vers “les sionistes”, et enfin, insidieusement, vers “les Juifs”. Ce n’est plus une gauche universaliste, mais une gauche devenue le cheval de Troie de l’islamisme.
Je ne peux pas me taire. Parce que je viens de là. Parce que je sais ce que cette haine fait. Et parce que je sais aussi qu’on peut en guérir.
Mais pour guérir, il faut d’abord la reconnaître.