Alors que les Druzes de Soueida sont la cible d’une campagne de terreur, la France se tait. Et pire encore : elle légitime les bourreaux, reçoit leurs chefs, ferme les yeux sur les crimes. Ce billet est un cri d’alarme. Et une mise en garde.
Une adresse présidentielle ou un prêche djihadiste ?
Le dernier discours d’Ahmed al-Sharaa, l’homme qui a succédé à Assad, n’avait rien d’une adresse présidentielle digne de ce nom. C’était un discours de chef de guerre, un prêche idéologique. Derrière des formules flatteuses sur « les tribus bédouines, symbole de nobles valeurs », il a en réalité justifié — voire salué — les attaques barbares contre la population druze de Soueida.
Comme toujours dans ce type de discours, l’ennemi extérieur est convoqué pour masquer les crimes intérieurs : Israël accusé, les minorités désignées à demi-mot comme traîtres, la conspiration étrangère évoquée pour légitimer l’épuration interne.
Dans la Syrie de Joulani-Al-Sharaa, être druze, kurde, alaouite ou chrétien est devenu un crime. Un danger de mort. Ces six derniers mois l’ont démontré avec une brutalité sanglante.
Une communauté enracinée, souvent trahie
Les Druzes, eux, n’ont jamais été dans l’attente d’un sauveur. Leur histoire est celle d’une dignité têtue, enracinée dans les montagnes du Sud syrien, là où l’on respire encore un air de liberté. On les a vus se dresser contre les Ottomans, puis contre les Français, menés par Sultan al-Atrash, figure indomptable de l’indépendance. Ils ont affronté l’oubli, la marginalisation, l’étouffement sous le régime baasiste, sans jamais plier. Depuis 2011, ils ont refusé la soumission aux islamistes comme au régime. Leur position : ni allégeance, ni abdication. Une neutralité courageuse, armée seulement de ce qu’il faut pour tenir debout. C’est cette indépendance, ce refus de se fondre dans le moule de la terreur, qui leur vaut aujourd’hui d’être livrés à la violence des tribus, à l’abandon des puissances et à la haine des idéologues.
La France ? Muette. Complice par omission.
Pendant que les Druzes se faisaient massacrer, que faisait la France ?
Rien. Pas un mot de compassion. Pas une condamnation. Pas un geste diplomatique.
Macron, si prompt à pleurer les terroristes du Hezbollah, n’a même pas daigné prononcer un mot pour les Druzes. Et pendant ce temps, l’un de ses ministres, incompétent et pistonné, s’exprimait avec arrogance, sans un mot pour les victimes, sans pression sur ses amis islamistes — ni en Syrie, ni en Algérie.
Un accord sous pression, un répit fragile
Un cessez-le-feu a été annoncé. La présidence syrienne a présenté un accord avec les factions présentes à Soueida :
- Entrée de la Sûreté générale dans toutes les zones,
- Déploiement des institutions sécuritaires de l’État,
- Dissolution des factions locales et intégration de leurs membres dans l’armée,
- Remise des armes lourdes.
Mais cet accord n’est pas né d’une volonté politique intérieure. Il est le fruit d’une double pression : américaine et israélienne. Ni l’Europe, ni la France n’y ont joué le moindre rôle.
Une trêve n’est pas une justice
Oui, cet accord a mis (provisoirement ?) fin à un bain de sang. Mais il ne répare rien. Il ne rend pas justice. Les responsables des attaques doivent être identifiés, jugés, condamnés. Un cessez-le-feu ne peut pas blanchir les crimes commis.
Et surtout : cette démilitarisation ne doit pas concerner uniquement les factions druzes. Il faut exiger le désarmement de toutes les milices présentes en Syrie, y compris les groupes bédouins et islamistes qui continuent d’opérer en toute impunité.
De même qu’on appelle au désarmement du Hezbollah au Liban, on doit exiger que toutes les armes en Syrie soient placées sous le contrôle exclusif d’une armée nationale, restructurée et désislamisée.
Les milices étrangères : un poison à neutraliser
Il est urgent de démilitariser, voire d’expulser, toutes les milices étrangères. Aucun combattant tchétchène n’a de légitimité à imposer la loi du djihad sur le sol syrien. Ceux qui souhaitent rester doivent le faire en civils désarmés. Les autres doivent partir.
Les tribus bédouines et la loi du sang
Je ne voulais pas le dire. Pour ne pas stigmatiser. Pour ne pas généraliser. Mais je dois le dire. Je dois le crier.
En Syrie, certaines zones tribales bédouines ont toujours été des territoires de non-droit :
- loi du plus fort,
- justice par le sang,
- crimes d’honneur,
- vengeances collectives,
- exécutions sommaires.
Même la dictature d’Assad n’osait s’y aventurer.
Aujourd’hui, ce sont ces milices qui ont pénétré à Soueida. Le discours est clair : laver l’honneur, punir les hérétiques druzes, ces prétendus alliés d’Israël.
La France doit parler. Maintenant.
À Paris, le silence est assourdissant. À ce point peur de froisser vos amis islamistes, Monsieur Macron ?
À ce point tétanisé par la moindre critique de ces réseaux que vous avez accueillis à l’Élysée ?
La France ne peut pas rester complice. Elle ne peut pas prétendre défendre la paix et les droits humains tout en soutenant un régime islamiste, fruit d’une mutation opportuniste d’Al-Qaïda.
La réintégration de la Syrie dans la communauté internationale doit être conditionnée à :
- la protection des minorités,
- le désarmement de toutes les milices,
- l’expulsion des combattants étrangers,
- et la fin de l’idéologie djihadiste dans les structures étatiques.
Sinon, ce ne sera pas la paix. Ce sera la barbarie légalisée.
Et les massacres reprendront.
Encore. Et encore.
Et nous continuerons à détourner les yeux, à signer des accords, à nous féliciter de pseudo-stabilités imposées par la terreur.