En Syrie, le régime de Joulani avance masqué : derrière l’appareil d’État, c’est un califat islamiste qui se consolide. Massacres de minorités, djihadisme en cravate, endoctrinement des enfants… et l’Occident détourne le regard.
Depuis 2011, la Syrie a connu le chaos et la guerre civile. Aujourd’hui, le régime al-Sharaa, Joulani, prétend incarner la stabilité et la reconstruction. En réalité, il a méthodiquement transformé l’appareil d’État en façade décorative, tandis que le pouvoir réel s’est déplacé vers un réseau d’islamistes et de chefs de milices issus de Daech ou d’al-Qaïda. Ce basculement vers une gouvernance théocratique est désormais visible dans chaque décision politique, chaque intervention militaire, chaque réaction — ou absence de réaction — face aux crimes commis contre les minorités.
Un pouvoir qui parle d’État mais agit en califat
Sous al-Sharaa, la Syrie conserve ses ministères, ses lois, ses tribunaux, mais tout cela fonctionne comme une vitrine. La loi religieuse surpasse la loi civile. Le régime a même changé la constitution pour inclure davantage d’éléments religieux. Les juges sont doublés par des autorités religieuses qui rendent des décisions en fonction de la doctrine, non du droit. Ce modèle, qui rappelle l’Iran ou l’Afghanistan des talibans, s’installe dans l’indifférence générale, avec l’aval implicite de partenaires internationaux soucieux de « stabilité » à court terme.
Cette façade institutionnelle masque un travail méthodique de radicalisation. Dans le nord-ouest, sous influence du groupe Hayat Tahrir al-Sham (HTS), un phénomène glaçant se déploie : des programmes d’« entraînement physique » pour enfants, baptisés « Armée de la Conquête ». Derrière l’apparence de simples activités sportives, ces formations combinent préparation militaire, endoctrinement religieux rigoriste et propagande hostile à Israël.
L’objectif est clair : fabriquer une nouvelle génération de djihadistes, non plus dans les camps clandestins de Daech, mais dans des structures présentées comme éducatives, presque « civiles ». C’est le califat en cravate : un djihadisme institutionnalisé, qui se pare des habits de l’État moderne pour mieux perpétuer sa matrice totalitaire.
Les massacres des minorités : un tournant sanglant
La Syrie vit une nouvelle escalade de barbarie visant directement ses minorités. Après les Alaouites en mars dernier, à Soueida, région druze du sud, le régime a franchi une ligne rouge : il a pris parti, armé ses alliés tribaux et déployé des milices islamistes lourdement équipées, soutenues par des drones, pour attaquer la population locale. Les scènes filmées par les assaillants rappellent les pires heures de Daech : décapitations, viols, exécutions sommaires, tortures. Les victimes n’étaient pas seulement druzes — plus de vingt chrétiens ont été massacrés, parmi eux des familles entières.
Au mois de mars dernier, un massacre d’Alaouites a fait plusieurs centaines de morts, exécutés avec les mêmes méthodes barbares. Ces campagnes de terreur ne se limitent pas aux tueries : les rapts de femmes issues de ces communautés se poursuivent, nourrissant un climat de peur et d’anéantissement programmé.
L’Occident détourne le regard
Alors que la Syrie connaît cette transformation profonde vers un État islamiste de type califal, les capitales occidentales préfèrent l’illusion de la stabilité à la reconnaissance du danger. Washington parle encore de « donner une chance » au président syrien, et à Paris, Emmanuel Macron, toujours prompt à multiplier les gestes symboliques en faveur de causes à la mode, reste muet.
Le même chef d’État français qui, en pleine guerre contre le Hamas, a choisi de reconnaître un État palestinien, n’a pas un mot pour dénoncer un régime qui massacre ses minorités et arme des milices confessionnelles. Cette incohérence n’est pas qu’un aveuglement : elle est une caution tacite donnée à un pouvoir qui agit dans l’esprit de Daech, mais avec l’appareil d’un État reconnu.
Un risque global
Ce qui se joue en Syrie n’est pas un simple conflit interne. C’est la consolidation d’un État islamiste qui pourrait devenir, demain, un hub régional pour les réseaux djihadistes, bénéficiant d’une légitimité diplomatique et de ressources d’État. Le précédent est clair : un tel pouvoir n’est jamais immobile, il exporte sa violence, il renforce ses alliés idéologiques, et il teste les lignes rouges de l’Occident.
Le problème, c’est que les digues commencent déjà à se fissurer…
Complicité par inaction
En restant silencieux, les gouvernements occidentaux se rendent complices. Ils répètent les erreurs qui ont permis à l’État islamique de prospérer il y a dix ans. En Syrie aujourd’hui, l’inaction ne relève pas de la prudence : elle est un choix politique, celui de tolérer un califat qui ne dit pas son nom, mais qui agit déjà comme tel.
FAR | Faraj Alexandre Rifai.