Comprendre la nouvelle escalade dans la guerre civile en Syrie. Le pays est le théâtre d’un conflit depuis plus d’une décennie. Il est de nouveau sous les projecteurs après l’offensive des rebelles.
Je veux explorer avec vous les dynamiques complexes de la situation actuelle, en examinant les acteurs clés, les intérêts régionaux et internationaux, et les implications de cette reprise des hostilités.
- Le paysage syrien avant l’offensive
Avant cette dernière escalade, la Syrie semblait relativement stabilisée, bien que fragmentée entre plusieurs factions :
- Régime d’Assad : Soutenu par la Russie, l’Iran et le Hezbollah, le régime avait repris le contrôle de la majorité du pays et semblait sur une trajectoire de normalisation internationale. Damas réintégrait peu à peu la scène régionale, notamment avec un retour dans la Ligue arabe et une reprise des relations diplomatiques avec certaines capitales européennes.
- Idlib (nord ouest) : Contrôlée par des djihadistes sous l’égide de Hayat Tahrir al-Sham (HTS), anciennement affilié à al-Qaïda. Cette enclave est dirigée par Abu Mohammad al-Joulani, figure centrale de l’opposition islamiste.
- Zone turque : Dominée par des forces pro-turques, notamment l’Armée nationale syrienne (ANS), une coalition de groupes armés soutenus par Ankara.
- Territoire kurde : Le nord-est, connu sous le nom de Rojava, est une région autonome dirigée par les Forces démocratiques syriennes (SDF), alliées des États-Unis mais souvent en conflit avec la Turquie.
- Zone américaine : Dans le sud-est de la Syrie, une base américaine importante abrite des groupes rebelles modérés pro-américains, soutenus également par la Jordanie.
Les racines du conflit
La guerre civile syrienne, commencée en 2011, a opposé le régime alaouite d’Assad à une majorité sunnite révoltée. En 2015, alors que le régime était au bord de l’effondrement, l’Iran et la Russie sont intervenus.
- Intervention iranienne : Sous la direction de Qassem Soleimani, l’Iran a mobilisé des milices chiites, notamment le Hezbollah libanais, pour renforcer les forces d’Assad.
- Appui russe : L’aviation russe a inversé le cours des combats, permettant au régime de repousser les rebelles vers Idlib, dernière grande enclave d’opposition.
Pourquoi cette escalade maintenant ?
Plusieurs facteurs expliquent cette reprise des hostilités :
- Affaiblissement des alliés d’Assad : L’implication de la Russie en Ukraine limite son engagement en Syrie. Par ailleurs, les frappes israéliennes répétées ont affaibli le Hezbollah et perturbé les transferts d’armes iraniens.
- Rôle de la Turquie : Ankara, confrontée à une crise économique et au poids de millions de réfugiés syriens, semble instrumentaliser les rebelles pour faire pression sur Damas. La récente offensive des rebelles à Idlib et à Alep, soutenue par la Turquie, pourrait viser à forcer Assad à négocier.
- Dynamique interne : Hayat Tahrir al-Sham (HTS), principal acteur de l’attaque, cherche à affirmer sa domination dans le nord et à frapper le régime et ses alliés chiites.
Les intérêts des puissances régionales et mondiales
- Turquie : Erdogan veut étendre l’influence turque en Syrie, affaiblir les Kurdes et obtenir des concessions d’Assad. Ankara utilise les rebelles islamistes comme levier contre Damas.
- Iran : Malgré son soutien à Assad, l’Iran voit ses milices affaiblies et doit faire face à la perte de contrôle dans certaines zones.
- Russie : Occupée en Ukraine, Moscou reste un allié clé d’Assad, mais son rôle en Syrie s’amenuise.
- États-Unis : Washington maintient une présence minimale en Syrie, en partie pour contrer l’Iran et soutenir les Kurdes.
Conséquences et perspectives
L’offensive actuelle pourrait provoquer plusieurs scénarios :
- Pour Assad : L’affaiblissement de ses alliés et la pression des rebelles rendent sa position vulnérable. Une intervention plus directe de l’Iran ou de la Russie semble peu probable dans l’immédiat.
- Pour la Turquie : Ankara pourrait utiliser cette offensive pour négocier une zone tampon ou des accords favorables avec Assad.
- Pour les Kurdes : Pris entre les rebelles, la Turquie et le régime, les Kurdes sont poussés à défendre leur autonomie, mais leur position reste précaire.
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La Syrie demeure le carrefour d’intérêts régionaux et mondiaux conflictuels. La reprise des combats illustre la fragilité d’un équilibre précaire et le risque de voir le conflit s’étendre à d’autres fronts. Si cette escalade représente une opportunité pour certains acteurs, elle aggrave la souffrance des civils et complique encore la perspective d’une résolution durable.
F. Alexandre Rifai